Lens Protocol constitue un graphe social ouvert et composable, entièrement sur la blockchain. Lancé début 2022 par l’équipe derrière Aave, une référence reconnue de la finance décentralisée, Lens vise dès son origine à offrir aux créateurs, communautés et développeurs une véritable alternative aux plateformes sociales centralisées. L'identité, les contenus et les relations deviennent ainsi portables et accessibles sur un réseau ouvert d’applications. En février 2025, l’équipe a révélé un plan de migration vers « Lens Chain » afin d’accroître la performance et la souveraineté, tout en maintenant l’intégrité du graphe social ouvert et composable.
Contrairement aux modèles hybrides où l’identité est stockée sur la blockchain mais le contenu hors chaîne, Lens conserve l’intégralité de son graphe social sur la blockchain. Chaque profil, connexion et publication est matérialisé sous forme d’un objet blockchain. Ce modèle garantit la pérennité, la vérifiabilité et la propriété des données sociales par l’utilisateur, et non par la plateforme utilisée. Ce choix en faveur d’un fonctionnement entièrement sur la blockchain traduit un engagement fort pour la décentralisation, nécessitant des options de conception spécifiques pour assurer l’évolutivité et l’optimisation des coûts. En pratique, les relations et publications sont structurées sur la blockchain, tandis que les contenus volumineux sont indexés via des solutions de disponibilité de données hors chaîne (par exemple Momoka/IPFS) pour répondre aux enjeux de montée en charge.
Construit sur Polygon, Lens profite de frais de transaction réduits et d’une finalité rapide, conditions indispensables pour la gestion d’actions fréquentes et à faible intensité comme publier, commenter ou suivre un profil. La compatibilité de Polygon avec l’outillage Ethereum facilite l’intégration de Lens pour les développeurs, sans courbe d’apprentissage supplémentaire. Par ailleurs, Lens adopte une structure modulaire, permettant aux développeurs d’enrichir les fonctionnalités via la création et le déploiement de modules d’interaction personnalisés.
Lens structure son graphe social autour d’une série de tokens non fongibles (NFT) incarnant les profils utilisateurs. Chaque profil NFT intègre l’historique complet des activités et des relations d’un utilisateur. Ce NFT est stocké dans le portefeuille de l’utilisateur, rendant le profil transférable entre toutes les applications compatibles Lens. Si l’utilisateur change d’application, il conserve son profil, ses abonnés et son historique de contenu, sans perte de données ni de connexions.
Toutes les interactions sur le protocole – suivi d’un autre profil, publication, commentaire ou partage – s’effectuent via des modules de smart contracts définissant les règles propres à chaque action. Ces modules, ouverts et composables, permettent aux développeurs de concevoir de nouveaux outils pour encourager différents modèles économiques ou structures communautaires. À titre d’exemple, un développeur peut créer un module de suivi exigeant la détention d’un token spécifique, ou élaborer un module de collecte générant un NFT à chaque sauvegarde de publication.
Pour surmonter les défis liés à la scalabilité du stockage d’interactions sur la blockchain, Lens a introduit Momoka, une solution optimiste couche 3 traitant les actions hors chaîne tout en assurant leur vérifiabilité grâce à des preuves cryptographiques. Momoka permet la majorité des actions utilisateur sans frais de transaction blockchain, tout en maintenant l’intégrité et la confiance requises pour un protocole décentralisé. Cette approche hybride offre à Lens la possibilité de maintenir son graphe social intégralement sur la blockchain, en évitant les bouchons liés à une transaction sur la blockchain pour chaque interaction. Momoka agit comme une couche de disponibilité et de vérification des données, prouvant et indexant les actions sur la blockchain sans devoir inscrire chaque donnée sur la chaîne principale.
Lens propose un ensemble de primitives qui structurent son expérience sociale. Le profil NFT constitue la pierre angulaire, associant l’identité de l’utilisateur à ses activités sur le réseau. Les publications, commentaires et « miroir » (l’équivalent de retweets ou de partages) sont des actions sur la blockchain référencées aux profils NFT. Suivre un autre utilisateur crée un NFT de suivi, qui matérialise la connexion sous forme de jeton.
Parmi les fonctionnalités les plus emblématiques de Lens figure le module de collecte collect. Lorsque l’on collecte une publication, cela génère un NFT transférable correspondant à un contenu sauvegardé. Ce procédé ouvre des perspectives directes de monétisation pour les créateurs, puisque les collectes peuvent être échangées ou vendues. Il apporte aussi un registre transparent, sur la blockchain, des personnes ayant interagi avec un contenu, assurant une preuve vérifiable de l’audience.
La conception modulaire de Lens implique une évolution permanente des fonctionnalités. Les développeurs peuvent créer de nouveaux modules de suivi pour des communautés restreintes par token, concevoir des modules de collecte avec partage automatique des revenus, ou inventer de nouveaux types d’interactions. Cette adaptabilité permet au protocole de répondre à de nombreux usages, depuis la monétisation des créateurs jusqu’à la gouvernance des DAO et l’engagement communautaire.
Depuis son lancement, Lens a favorisé l’essor d’un écosystème dynamique d’applications exploitant son graphe social. Hey.xyz est aujourd’hui le client Lens le plus utilisé, offrant une interface de réseau social familière avec les avantages de portabilité et de pleine propriété. Orb cible le réseautage professionnel, tandis que Phaver combine du contenu social et des incitations tokenisées et sélectionnées. Toutes ces applications accèdent au même graphe sous-jacent : une connexion créée sur l’une est immédiatement accessible sur les autres.
Au-delà des applications sociales, Lens est intégré dans d’autres plateformes Web3 grâce à sa modularité. Places de marché NFT, outils de publication décentralisée et tableaux de bord DAO exploitent les profils et contenus Lens pour renforcer l’interactivité communautaire. La structure composable du modèle de données Lens permet une intégration fluide, sans négociation de droits d’accès ni développement de systèmes d’identité distincts.
La communauté et les développeurs proposent et évaluent les évolutions du protocole via les Lens Improvement Proposals (LIP). Malgré le rôle central conservé par l’équipe Aave dans le développement, la structure de gouvernance vise à transférer progressivement le pouvoir décisionnel vers la communauté élargie, conformément à la philosophie de décentralisation du protocole.
Lens se distingue par son choix de maintenir l’intégralité du graphe social sur la blockchain et son attachement à la modularité. L’identité et les contenus y sont véritablement détenus par les utilisateurs, à l’abri de toutes limitations imposées par une plateforme. En s’appuyant sur Polygon et des solutions comme Momoka, Lens surmonte les contraintes de performance qui limiteraient une gestion entièrement sur la blockchain. Avec la migration vers Lens Chain, ces garanties sont étendues à une blockchain dédiée, optimisée pour les usages sociaux.
Les mécanismes de monétisation du protocole, en particulier le module de collecte collect, permettent de nouveaux modèles économiques pour les créateurs et les communautés. Plutôt que de dépendre de la publicité, les créateurs peuvent vendre ou distribuer leur contenu tokenisé directement auprès de leur audience, les revenus étant répartis automatiquement par smart contract. Ce modèle ouvre la voie à des médias spécialisés soutenus par la communauté et à des financements transparents et automatisés par les fans.
L’architecture de Lens facilite une interopérabilité rare dans le Web2 comme dans le Web3. Un profil unique peut servir de socle à l’activité d’un utilisateur sur une multitude d’applications, chacune proposant ses propres fonctionnalités mais toutes enrichissant le même registre ouvert et vérifiable. Ce fonctionnement réduit les frictions à l’intégration et encourage la concurrence au niveau applicatif, aucune plateforme ne monopolise les données fondamentales.